La saison de Coupe du monde d’escalade de bloc de l’équipe de France a été marquée par des performances exceptionnelles, ponctuée en beauté en août dernier par une série de podiums aux Championnats du monde à Bern. Entraînée par une motivation sans égale et poussée par une cohésion sans faille, la team France s’est hissée au plus haut niveau de l’escalade mondiale. Des résultats et une dynamique de bon augure à moins d’un an des Jeux de Paris 2024.
Des médailles individuelles pour un projet d’équipe
Il y a d’un côté le bilan d’une année et des résultats exceptionnels qui parlent d’eux même et de l’autre un projet de grande envergure, au-delà des saisons : placer la France au sommet de l’escalade mondiale… Si les médailles et top 10 s’accumulent ce n’est pas un hasard, mais le fruit d’un projet national engagé depuis plusieurs années. Laurent Lagarrigue, entraîneur référent de l’équipe de France de bloc et responsable du programme olympique à la FFME insiste sur ce point : « Cette équipe s’inscrit dans un projet d’encadrement débuté il y a environ trois ans. Les résultats de cette année sont le reflet du travail engagé sur la durée. Il y a certes des podiums remarquables, mais on a également densifié notre capacité à être dans les dix premiers sur les différents circuits. Il n’y a pas seulement des leaders qui vont chercher quelques médailles, on a aussi un vivier au haut niveau en coupes du monde et sur le circuit européen. »
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« Il n’y a pas de vase clos, c’est l’adhésion au projet qui fait la force du dispositif. Chaque grimpeur apporte sa pierre à l’édifice. »
Laurent Lagarrigue
Et en effet, à y regarder de plus près, la France est sur tous les tableaux : trois podiums sur les derniers championnats du monde de bloc avec le titre de Mickaël Mawem et les médailles d’argent de Mejdi Schlack et d’Oriane Bertone, mais aussi une 4e place pour Zélia Avezou, une 9e place pour Flavy Cohaut et les 10e et 11e place de Sam Azezou et Paul Jenft. Des performances auxquelles il faut rajouter trois top 10 sur le combiné ! Côté coupes du monde, Oriane Bertone et Mejdi Schlack se placent respectivement à la 4e et 5e place du classement général. Le tout pour une seconde place au classement mondial par nation derrière le Japon et devant les États-Unis. Et sur le circuit européen de bloc… Les Français sont de tous les podiums !
Pour arriver à ce niveau d’excellence et cette régularité, avec Nicolas Januel, son binôme aux manettes de la sélection France de bloc, Laurent Lagarrigue, a mis en place un système d’encadrement ouvert où le partage est le maître-mot, mais où chaque personnalité peut s’exprimer, développer son propre style et faire ses choix d’entraînement. « Il n’y a pas de vase clos, c’est l’adhésion au projet qui fait la force du dispositif. Chaque grimpeur apporte sa pierre à l’édifice. »
Les grimpeuses et grimpeurs de l’équipe de France évoluent ainsi individuellement au sein de leur club respectif et avec leur coach individuel et retrouvent la structure fédérale sur les compétitions et lors de stages offrant à la fois un encadrement technique, des structures spécifiques et surtout une dynamique de groupe pour aller chercher le meilleur d’eux même avec les autres… Une combinaison gagnante qui a emmené cette équipe au sommet de l’escalade mondiale.
La fougue de la jeunesse, la sagesse des anciens et la force du collectif
Quatorze années séparent Mickaël Mawem et Mejdi Schlack. Ce dernier n’était pas encore né que Micka et son frère Bassa, étaient déjà sur le circuit de compétition, et pourtant, en août dernier, c’est bien ensemble qu’ils sont montés sur le podium des championnats du monde. Mickaël Mawem, 33 ans et Mejdi Schack, 19 ans sont devenus respectivement champion du monde et vice-champion du monde de bloc.
Le rêve d’une vie pour l’un après des années de travail et une persévérance à toute épreuve, et le début d’une grande aventure pour l’autre…
« J'avais envie d'appeler mon frère, j'avais envie d'appeler toutes les personnes qui me suivent depuis toutes ces années ! J’ai réalisé quelque chose que je souhaite depuis tellement longtemps : être, un jour, le meilleur du monde ! Je me le suis dit, je l'ai dit et redit à tellement de personnes… C’est un désir que j’ai en moi depuis près de 17 ans ! À 15 ans, je me suis dit, je veux être le meilleur du monde un jour, et là, aujourd'hui, je le suis ! Je suis allé faire cette compétition en me disant que j'avais tout à gagner, et j'ai tout gagné. L'escalade, c'est de l'entraînement, c’est du travail, c’est mon travail, c’est ce qui m’a permis de construire ma vie toutes ces années, de faire vivre ma famille et ce titre de champion du monde représente bien plus qu’une médaille… » Mickaël Mawem, champion du monde de bloc
« Je ne réalise pas trop, depuis tout petit, je rêve des compétitions, j’ai toujours été admiratif de tous ces grimpeurs, et d’être là, si jeune, je ne réalise pas ! C’est encore nouveau pour moi. Je n’ai pas l’habitude de ces rendez-vous internationaux. Les semaines précédant les championnats, je me prenais beaucoup la tête à l’entraînement et faisais des séances pas du tout qualitatives… J’ai réussi à être moi-même sur la compétition et mettre cette pression à mon avantage, mais il y a encore du chemin à parcourir, il faut que j’apprenne à gérer la pression pour monter sur la première marche. » Mejdi Schlack, vice-champion du monde de bloc et 5e du général de la coupe du monde.
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« Ce mix générationnel au sein de l’équipe de France, entre les athlètes expérimentés et plus murs en âge et les athlètes qui sortent tout juste des catégories jeunes, crée une énergie et un climat constructif : les jeunes poussent les anciens à se renouveler et à se battre pour rester dans la course et inversement, la pugnacité et l’exigence des anciens forcent au respect et à l’admiration. »
Nicolas Januel
Deux générations, deux styles et une même détermination pour aller chercher l’or… C’est peut-être là, une des plus grandes forces du clan tricolore, les performances des uns, entraînent celles des autres… Nicolas Januel, lui-même ancien grimpeur de haut niveau et aujourd’hui entraîneur de l’équipe de France et coach particulier d’Oriane Bertone, déjà au plus niveau à seulement 18 ans, dresse ce constat : « Tous les grimpeurs ont des capacités hors-normes, mais ce qui fait la différence, c’est le travail mis en place pour les exploiter. Si des grimpeurs comme Mika (Mawem) ou Fanny (Gibert) sont encore là après toutes ces années, c’est qu’ils ont mis des choses en place dans leur quotidien en termes d’exigence avec eux même dans l’investissement nécessaire pour être à ce niveau ! C’est forcément inspirant pour les jeunes qui arrivent. Ils ont certes une motivation, et même insouciance parfois qui peuvent leur donner des ailes, mais ils manquent encore d’expérience pour se maintenir au plus haut niveau sur la durée et rebondir de saison en saison. Ce mix générationnel au sein de l’équipe de France, entre les athlètes expérimentés et plus murs en âge et les athlètes qui sortent tout juste des catégories jeunes, crée une énergie et un climat constructif : les jeunes poussent les anciens à se renouveler et à se battre pour rester dans la course et inversement, la pugnacité et l’exigence des anciens forcent au respect et à l’admiration. »
Laurent Lagarrigue parle quant à lui de compagnonnage entre les générations d’athlètes, mais aussi entre les grimpeurs et les équipes d’encadrement. Le programme d’entraînement se construit au fur et à mesure, précise-t-il ; athlètes et entraîneurs apprennent les uns et des autres et ajustent ainsi leur plan de travail. « Il y a bien sûr des convictions, mais avant de les plaquer sur une page blanche, on interroge cette dynamique d’équipe pour accompagner chaque grimpeur dans son évolution en s’appuyant aussi sur les autres. C’est un travail sur mesure pour un objectif commun. On a cœur de garantir un projet individuel d’élite dans un système collectif. »
Une saison particulière : bloc vs combiné olympique
À moins d’un an des Jeux de Paris, les ambitions sont inévitablement colorées par l’échéance olympique… Et le nouveau combiné bloc/difficulté vient évidemment rebattre les cartes ! Il n’est pas seulement question d’être le meilleur bloqueur du monde, il faut être le meilleur grimpeur ! Avec cette nouvelle donne, les résultats disciplinaires peuvent apparaître parfois en demi-teinte face au projet olympique… Pourtant, Laurent Lagarrigue et Nicolas Januel, le répètent à l’unisson, les performances de l’équipe de France de bloc cette saison sont exceptionnelles et ancrent une confiance dans un projet national et présagent du rebond sur des choses à présent acquises. Une base indéniable et de belles perspectives. Les jeux et le format du combiné apportent un nouvel objectif, mais ne remettent en cause, ni ne remplacent aucun autre… « La saison de bloc de l’année prochaine va être jalonnée par ce projet-là. Pour ceux qui joueront la qualif aux jeux, le projet disciplinaire sera peut-être un objectif secondaire, mais on ne parle ici que d’une poignée de grimpeurs, pour tous les autres, le programme de bloc et objectifs restent les mêmes. Et surtout le projet humaniste pour pousser ce sport au haut niveau est toujours notre ambition, au-delà du calendrier olympique. » Confie Laurent Lagarrigue.
Pour les prétendants aux Jeux Olympiques, seule Oriane Bertone est pour le moment qualifiée suite à sa victoire lors du tournoi de qualifications européen fin octobre à Laval, la saison sera composée d'un circuit qualificatif de deux épreuves de combiné, à Shanghai en mai et à Budapest en juin 2024. Les épreuves de coupes du monde de bloc quant à elles se dérouleront en deux temps avec une première étape début avril et une fin de saison post JO à partir de septembre. À suivre…
Crédits photos : IFSC, FFME
Texte : Mathilde Bouleistex