À 23 ans, Thibault Anselmet a surpris les observateurs en s’imposant comme l’un des meilleurs skieur-alpinistes au monde cet hiver. Une entrée remarquée chez les séniors pour le nouveau leader de l’équipe de France. Rencontre avec un athlète ambitieux qui garde les pieds sur terre.
Au bout du fil, la voix claire, le verbe simple, le ton posé, Thibault Anselmet raconte sa saison. La plus aboutie de sa carrière, mais surtout, selon ses propos « la plus enrichissante ». Il faut dire que pour une première année chez les séniors, le jeune Mauriennais de seulement 23 ans a frappé fort. Cinq podiums en coupe du monde, dont une victoire, et puis le petit globe de la course vertical, la 2e place du classement général de la coupe du monde et trois titres de Champion de France. Remarquable.
Bref, finies les années junior et espoir, le petit nouveau de l’équipe de France senior a vite trouvé ses marques chez les « grands ». La première étape internationale de sprint, disputée à Ponte di Legno, en décembre, en Italie, a tout de suite donné le ton : le skieur de Bonneval-sur-Arc se hissait sur la plus haute marche du podium. Le début d’une jolie série de médailles, éparpillées dans les trois disciplines, lui assurant, pendant un bon bout de temps, le maillot de leader provisoire du circuit.
Dans ses rêves les plus fous, il ne se voyait pas si vite, si beau. Si, en début d’exercice, Thibault Anselmet avait bien la sensation d’avoir progressé, il ne s’attendait tout de même pas à prendre part à la bataille pour le grand globe de cristal sacrant le meilleur skieur du monde. En fin de saison, seuls 34 petits points le priveront de cette récompense, glanée par le bien plus expérimenté skieur italien, Robert Antonioli. « Atteindre ce niveau a toujours été un objectif, explique le meilleur skieur de l’équipe de France de l’hiver. Mais je ne m’attendais pas à ce que cela arrive aussi vite. » Léo Viret, son entraineur depuis 6 ans, dresse le même constat : « on ne peux pas vraiment parler de surprise car je m’attendais à ce qu’il explose un jour, c’est une suite logique. Par contre, je ne pensais pas que cela se ferait aussi tôt. »
Un nouveau leader pour l’équipe de France
Une précocité qui a poussé le skieur, du haut de son mètre quatre-vingt-trois, à puiser dans ses ressources pour maintenir ses belles performances et tenir son nouveau rang. «Si il a su s’adapter à son statut assez facilement, l’avenir nous dira comment il a digéré cette saison. Je suis sûr que cela devrait bien se passer, avec de belles années en perspective ». Car le garçon, qui a grandi au bout de la vallée de la Haute-Maurienne, semble ne pas avoir encore dévoilé toutes ses cartes. « Quand je vois ce qu’il fait à l’entrainement, je pense qu’il a encore une belle marge de progression, poursuit Léo Viret, par ailleurs entraineur national de l’équipe de France jeunes. C’est un athlète assez troublant de part ses capacités et son intelligence sportive. C’est un plaisir de l’entrainer ». Construit sur « un modèle différent de la majorité des autres athlètes », Thibault Anselmet montre une surprenante maturité pour son jeune âge. « Il semble déjà avoir assimilé des choses que seuls les athlètes en fin de carrière comprennent. Très peu de sportifs ont la maturité et l’intelligence du haut-niveau qu’il a réussi à développer, c’est assez bluffant. Il analyse tout, observe beaucoup, écoute attentivement et intègre très vite les informations ».
Pourtant, le garçon ne semble pas être du genre à s’emballer. Calme, posé et rigoureux, Thibault Anselmet prend les choses les unes après les autres. Si il grille les étapes malgré lui, il se plaît à essayer de faire les choses dans l’ordre. « Il est de ce genre de personne qui s’intéresse plus au chemin à parcourir qu’à la destination finale. Même si c’est un vrai compétiteur, il aime que les choses soient bien faites, que les courses soient réussies avant de penser au résultat final. » En équipe de France, si il se sent plus observé depuis cet hiver, il ne se considère pas encore comme le meneur du groupe. « Il y a d’excellents athlètes comme William Bon Mardion ou Xavier Gachet qui sont très expérimentés et qui ont fait de très belles carrières, annonce-t-il. Je ne pense pas être un leader même si je sens que l’on regarde un peu plus ce que je fais. J’espère juste pouvoir amener une bonne énergie au groupe. Pour le reste, je ne veux rien changer, ce ne sont pas les résultats qui font une personne. »
Une histoire de famille
C’est dans les skis de son père, Fabien Anselmet, ancien membre des équipe de France de ski-alpinisme avec un palmarès riche d’une 3e place aux Championnats d’Europe en relais et d’une 9e place à la Pierra Menta, que Thibault découvre sa future discipline de cœur alors qu’il n’a que 13 ans. À cette époque, comme tous les gamins de stations, le jeune Thibault est inscrit au ski-club alpin de sa station de Bonneval-sur-Arc. Il participe pourtant, dès ses 15 printemps, à quelques montées verticales organisées de temps en temps dans les stations de la vallée. « Si quand on est jeune l’effort n’est pas forcément très ludique, j’ai quand même vite accroché avec la discipline. Je me projetais plus en ski-alpinisme qu’en ski alpin. J’avais la sensation que je pouvais faire quelque chose en compétition. Et puis les entrainements, le contact avec la nature me plaisaient. » Aujourd’hui, c’est toujours sur ses terres natales qu’il s’entraine. Son père n’est jamais bien loin. Son frère et sa sœur, qui pratiquent également, non plus. Chez les Anselmet, on s’entraine en famille. Thibault Anselmet est un passionné de grands espaces, où il aime passer du temps à observer les animaux sauvages. Et à les photographier. Dès qu’il s’échappe pour une séance tranquille, ou juste pour le plaisir, il prend son appareil photo pour immortaliser les paysages qu’il côtoie au quotidien.
Membre de l’Armée des champions
Avant d’obtenir sa première sélection en équipe de France junior le jeune Anselmet a dû patienter un peu. « C’était en 2016, pour les Championnats d’Europe aux Marécottes (Suisse), se souvient l’intéressé. Depuis, je n’ai jamais quitté l’équipe de France. » Junior, espoir, puis sénior, si la progression s’est faite en douceur pour le sportif élancé, cette saison marque forcément le déclic de sa carrière. Quand on lui demande ce qu’il a changé dans sa préparation ou ses habitudes, il évoque le contrat signé à l’aube de l’hiver avec l’Armée des champions au sein de l’ancien bataillon de Joinville, rattaché à l’équipe de France militaire de ski de l’EMHM de Chamonix. Un statut de professionnel, dont il est le seul bénéficiaire en équipe de France, qui lui permet d’optimiser son entrainement et ses temps de récupération. « Je suis fier de représenter la France. C’est aussi une chance incroyable que l’on m’offre de pouvoir dire que mon sport est mon métier. Mon seul but, maintenant, c’est de mettre tout en place pour être le plus performant possible. C’est ce qu’il me manquait pour passer un cap. » Moniteur de ski aspirant et en possession d’un BTS charpente et ossature bois, Thibault Anselmet n’a plus besoin de compter sur ces deux autres activités pour financer ses saisons d’hiver. Un vrai plus qui lui a permis de se focaliser sur sa progression. « Au niveau du mental notamment, beaucoup de choses se sont alignées cette année. Dans ma manière d’appréhender le haut niveau, les compétitions et la récupération, je suis plus professionnel. » Léo Viret confirme : « il sait pourquoi il fait les choses et comment les mettre en place. C’est une de ses grandes forces. »
Un exemple de polyvalence
Présent sur tous les fronts, Thibault Anselmet a surtout impressionné, cet hiver, par sa polyvalence. Sprint, individuel, vertical, il a signé des podiums dans toutes les disciplines et remporté les trois titres nationaux. Une caractéristique qu’il revendique : « j’aime les trois formats de course et la polyvalence est quelque chose qui me tient à cœur. Je suis persuadé qu’il ne faut pas se spécialiser trop vite et que si les capacités le permettent, il faut essayer d’être performant sur les trois épreuves. Les disciplines se complètent et permettent de progresser dans des domaines différents pour devenir un meilleur skieur, plus complet. » De la polyvalence, le skieur en a aussi sur le terrain lorsqu’il s’agit de faire la différence à la montée comme à la descente, son passé de skieur alpin lui assurant un petit avantage dès qu’il enlève les peaux. Aujourd’hui, seules les grandes courses lui résistent encore. « Je dois progresser sur les longues distances », admet-il. Généralement satisfait des résultats obtenus, Thibault Anselmet, assurément perfectionniste, vise toujours plus haut et ne se repose jamais sur ses lauriers. Le Mauriennais a déjà en ligne de mire pour ces prochaines années : un titre aux Championnats du monde, un grand globe de cristal et un bon résultat à la Pierra Menta. Avec un peu plus de recul, il évoque aussi du bout des lèvres son rêve olympique, en espérant que le ski-alpinisme soit de la partie en 2026, à Milan et Cortina D’Ampezzo. D’ici là, il poursuit son petit bout de chemin dans les traces du circuit international, à l’assaut des podiums avec toujours, comme premiers carburants, son humilité et sa motivation.
Crédits photos : FFME, Maurizio Torri - ISMF, C.Angot
Travail graphique : Orcelia Jane.