Il y a 13 ans, la FFME organisait à La Grave son premier événement de pratique loisir, ouvert à tous. La Grave y Cîmes venait de naitre. Grande Voix a chaussé les crampons pour vivre de l’intérieur la 14e édition de ce rendez-vous « alpinisme » incontournable du paysage FFME.
Sac à l’épaule, baudrier à la taille et « grosses » aux pieds. Au petit matin, les abords pavés de la gare télécabine de La Grave fourmillent des quelques 200 participants de la Grave y Cîmes. Les cliquetis de la quincaillerie, les odeurs de crème solaire, les arcs en ciel de membranes fluo.
On y est au cœur. De La Grave, de l’Oisans sauvage, de l’histoire de l’alpinisme. Si Chamonix en est la capitale, La Grave est son pendant irrévérent. Un petit village de montagne, qui est entré dans les livres d’histoire grâce à son insaisissable point culminant, la Meije (3984m), dernier grand sommet alpin à avoir été conquis. Mais qui n’a - pour autant - jamais cédé aux trompettes de la renommée.
8h30, l’heure d’embarquer : direction le glacier de la Girose ! 45 minutes plus tard, l’ambiance n’est plus la même. Aucun bruit au sommet de la mythique télécabine, les premiers rayons de soleil percent derrière les sommets.
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La Meije est là, iconique. Sa face Nord, noire, a des allures d’Ogre suisse.
C'est d’abord un morceau de moraine, sombre et désertique, qui conduit les participants jusqu'aux premières langues de glace. Là, changement d'univers : on bascule dans la haute-montagne, dans l'ombre du Râteau, à l'image ci-dessous. Changement de progression aussi : la cordée devient de rigueur, et les équipements crampons et piolets sont maintenant obligatoires.
L’alpinisme, c’est la quête de l’autonomie : supervisés à l’équipement par un des 15 guides présents ce week-end, les participants prennent leurs consignes. Les alpinistes en herbe se déplacent en cordée de deux, le long des jalons qui leur indiquent l’itinéraire sécurisé à emprunter sur le glacier. Ils gèrent eux-mêmes leur progression sur le glacier et entrent tranquillement dans le rythme lent et régulier de l'ascension.
Ils découvrent le quotidien hors du commun des guides de haute-montagne. Sur le glacier, pas de situation de crise, pas de péril à la « Vertical Limit ». L'alpinisme ordinaire peut être délicieusement contemplatif. Un pas après l’autre, dans un environnement féérique. Mais il en va de la Grave y Cîmes comme de toute belle sortie en montagne : il y a tout de même quelques efforts à fournir. Place aux ateliers !
Car voilà tout l’objectif : permettre à de complets débutants de découvrir, en deux jours, la plus grande partie des techniques de l’alpinisme moderne. En deux jours ? Vraiment ? C’est que le glacier de la Girose se prête bien à l’organisation sur un même espace de différents ateliers, relatifs à différentes techniques ou différents terrains de pratique.
Le rocher. Réaliser une course d’arête en autonomie et en moins d’une heure ? A la Grave y Cîmes, rien de plus facile. Enfin si on est capable de s‘affranchir des petites difficultés de l’itinéraire proposé, qui ne chiffrent pas au-delà d’un raisonnable 4 sup. Il faudra néanmoins s’employer pour remonter la fissure, s’acquitter des quelques pas d’escalade et prendre finalement pied sur l’arête effilée.
Les sensations sont saisissantes : un pas devant l’autre sur une formation rocheuse aussi large qu’un pied. A droite, le vide. A gauche, le gaz. Ici, il faut contourner cette pointe, en progressant les semelles en adhérence en contre-bas de l’arête. Là, il convient de désescalader adroitement pour garder pied sur le rocher. Le cardio s’emballe parfois : une première course d’arête, ça ne s’oublie pas.
La glace. Changement de décor. A seulement 15 minutes de marche sur le glacier, ce n’est plus les doigts sur le rocher, mais les mains solidement cramponnés aux piolets-traction que l’on grimpe. Une moulinette descend les participants dans les profondeurs d’une crevasse, dont ils escaladent ensuite la paroi en glace. Ambiance.
Deux jours d’initiations. Car en plus de deux courses d’arête et de l’escalade sur glace, les participants ont pu s’essayer à la remontée sur corde fixe, à l’escalade en « grosses », au rappel, aux techniques de sécurité sur le glacier et - enfin - à la théorie du déclenchement des secours avec le PGHM de Briançon… « C’est un atelier essentiel : savoir réagir rapidement en cas de problème est primordial. Et puis c’est une grande chance pour les participants d’avoir ces grands acteurs du milieu de la montagne à leur disposition durant le week-end », tient à préciser Gaël Bouquet des Chaux, grand chef d’orchestre de la Grave y Cîmes.
16h30, c’est l’heure du retour dans la mythique télécabine. Les sensations sont là : le dépaysement fut total et les jambes sont lourdes de retour dans la vallée. Ici, c'était une simple initiation. Là, ce sera leur premier 4000, pourquoi pas le Grand Paradis en Italie pour commencer ? Ou une première grande course d’arête ? Plus tard, peut-être, les pentes du Mont-Blanc, quand ils auront fait leurs armes. Voilà ce qu'est l'alpinisme. Il est simple. Il est contemplatif. Il est loin - aussi loin que possible - des dérives commerciales et des fins tragiques. Il est délicieusement ordinaire.
Crédit photos : FFME