Le 19 août dernier à l’issue du Championnat du monde d’Hachioji, Mickael Mawem se qualifiait pour l’épreuve d’escalade des Jeux Olympiques de Tokyo 2020. Une qualification décrochée après une année difficile pour ce spécialiste de l’épreuve du bloc, tête d’affiche française de celle du combiné qui sera à l’œuvre aux JO de Tokyo en 2020.
Qualifications du Championnat du monde du combiné, Hachioji (JPN), dernière épreuve : le clan français exulte, Mickael Mawem est qualifié en finale et décroche le sésame : son ticket pour les Jeux Olympiques de Tokyo.
« J’ai eu du mal à réaliser, je n’arrivais pas vraiment à y croire compte tenu de toutes les déceptions que j’ai essuyées cette année. J’ai eu besoin de le voir écrit noir sur blanc pour être certain que c’était officiel », témoigne le grimpeur du pôle de Voiron. Cette année, en effet, Mickael Mawem n’a pas réussi à franchir le cap des demi-finales de Coupe du monde en bloc, sa discipline de prédilection.
« Je n’ai eu que des résultats qui ne reflétaient pas mes capacités. Et pourtant, là où beaucoup auraient baissé les bras, je n’ai rien lâché, jamais ! J’ai participé à toutes les étapes, je me suis donné à fond, tout le temps. Et malgré mon manque de repères aux Championnats du monde, j’ai donné le meilleur de moi-même. Quelle joie de partir aux Jeux. »
Au moment de l’annonce, c’est à son aîné que Mickael a pensé en premier, son frère Bassa Mawem, numéro 1 mondial en escalade de vitesse, qui est là, toujours là, dans le public lorsqu’il ne grimpe pas pour se qualifier, lui-aussi, pour les Jeux olympiques. « Aussitôt, nous avons appelé notre mère. J’ai pu entendre son émotion, sa fierté pour ce que je venais d’accomplir, explique Mickael Mawem. Rien n’est plus précieux à mes yeux. » En effet, chez les Mawem, la famille passe avant tout.
« Nous avons eu une enfance très compliquée. Ma famille a connu une grande précarité et ma mère s’est battue pour nous offrir une enfance convenable. Avec notre beau-père, ils nous ont donné énormément d’amour. C’est important pour nous de leur montrer que nous réussissons et que nous sommes heureux. Ils sont à la source de notre détermination. Nous déplaçons les montagnes pour faire en sorte que nos parents soient fiers de nous. Ces victoires, elles sont toujours dédiées à notre famille. »
Originaires de Guyane, les frères Mawem sont les deux garçons d’une fratrie de quatre enfants. Bassa, l’ainé, est spécialiste de la discipline de vitesse. C’est lui qui a découvert l’escalade à 15 ans par le biais de l’UNSS à leur arrivée à Huningue (Alsace), en 1995. Très rapidement il s’inscrit dans un club FFME, et quelques mois plus tard, il y amène son petit frère.
« Six ans nous séparent, explique Mickael Mawem. Et quand tu es jeune, tu veux suivre ton grand frère partout. T’es tellement fier de faire des trucs avec lui. Quand nous sommes partis grimper ensemble, j’étais super content de partager un sport avec mon frangin. Et puis, les sensations sur le mur étaient bonnes. Nous avons vite senti que c’était un sport pour nous. Le club de la ville disposait de nombreux créneaux, plus de 10 heures par semaine, auxquels nous étions toujours présents. » Les deux frères passent ainsi tout leur temps libre sur ce mur. Leur objectif : progresser, devenir meilleur chaque jour.
Inséparables et complémentaires en entraînement comme dans la vie, les deux frères sont mus par une incroyable détermination. « Notre histoire familiale compliquée nous a forgé un caractère fort. Quand nous avons commencé la compétition, nous nous sommes lancés le défi d’être en équipe de France ensemble, confie Mickael Mawem. Puis, une fois cet objectif atteint, nous voulions gagner une compétition internationale, puis atteindre, chacun de notre côté, le plus haut niveau mondial dans nos disciplines respectives. Plus on progresse en compétition et plus nos objectifs s’élèvent. Avec l’arrivée de l’escalade aux JO, nous nous sommes dit que ce serait dingue qu’on y soit tous les deux, ensemble. »
Cette puissante relation fraternelle est une des clés de la réussite des frères Mawem. Bien qu’ils soient engagés dans la même discipline du combiné cette année, la concurrence ne semble pas exister entre eux. En août dernier, Mickael décrochait une qualification olympique que tous les deux miroitaient.
« Si j’étais jaloux ? Bien au contraire. C’est la meilleure chose qui pouvait arriver, confie Bassa Mawem. Ça m’a retiré un énorme poids. Cette année, les contre-performances de Micka en coupe du monde ont été difficile à vivre. Je n’arrivais pas à me réjouir vraiment de mes victoires sur le circuit, pendant que mon frère galérait dans sa discipline. Cette sélection de Micka est un réel soulagement. Je vais pouvoir me concentrer uniquement sur ma qualification olympique, sans me préoccuper de la situation de mon frère. Et si ça ne passe pas, tant pis. Dans tous les cas, j’irai aux JO avec mon frangin, en athlète ou en supporter. Et je vivrai de l’intérieur cette expérience historique pour notre sport. »
Au quotidien, les frères Mawem gèrent ensemble leur carrière. Avec chacun son domaine d’expertise. L’un, Mickael, impulse la dynamique de communication et fait fructifier la marque « les frères Mawem ». L’autre, Bassa, cadre l’entraînement et s’assure de l’hygiène de vie de la fratrie. Chacun dans son rôle, ils construisent leur avenir sur les plans sportif et professionnel avec, en ligne de mire à l’issue de leur carrière d’athlètes, un projet de salle d’escalade.
« Bon, nous ne sommes pas un couple non plus, s’amuse Mickael Mawem. D’ailleurs, nous vivons depuis trois ans très éloignés l’un de l’autre. Moi, à Voiron au Pôle France d’escalade et Bassa, à Nouméa en Nouvelle Calédonie. Mais nous sommes en contact chaque jour. Depuis notre projet de qualification olympique, Bassa est intervenu très régulièrement dans ma préparation. Malgré la distance, nous passons beaucoup de temps ensemble : avec toutes les compétitions auxquelles nous avons participé cette année pour viser la qualification olympique, nous avons à peine eu le temps de nous manquer (rires). »
Depuis deux ans, Mickael Mawem vit en effet à Voiron (38), où il a fait le choix de s’installer pour s’entraîner quotidiennement au sein du Pôle France d’escalade. « J’ai fait le choix de mon concentrer sur mon entrainement depuis quelques années, ce qui m’a obligé à faire quelques concessions », explique Mickael Mawem. Financière notamment : s’il bénéficie aujourd’hui d’un soutien financier de la FFME, il a dû, au cours des années précédentes, trouver des solutions pour gagner sa vie.
« Quand tu te lances dans un projet sportif de cette envergure, tu dois optimiser au maximum ton temps d’entraînement. J’ai donc fait le choix de mettre mon travail de côté, en le réduisant au minimum. Il y a quelques années, je n’avais pas le niveau sportif pour convaincre des sponsors et je vivais, ou plutôt survivais, avec moins de 300 euros par mois. J’ai très vite vu dans les réseaux sociaux, une opportunité et leur exploitation m’a aidé à accroître la notoriété des frères Mawem et me permettre de décrocher mes premiers sponsors. »
Aujourd’hui, les réseaux sociaux font partie du quotidien de Mickael Mawem. Il ne s’en cache pas et assume ses choix. « Avec ma préparation, je n’ai pas vraiment le temps d’aller manger ou boire des coups avec des amis et encore moins de partir en vacances. Les réseaux sociaux sont mon lien avec le reste du monde, car je ne peux pas vivre dans une bulle, coupé de tout. Je ne peux pas y passer ma vie, mais je considère les 15 minutes que je vais prendre pour faire une vidéo comme une pause dans une journée d’entraînement, un plaisir même. Le jour où j’ai décroché ma qualification olympique, nous avons reçu près de 500 messages en une journée, sans compter les commentaires. Ça me fait tellement plaisir de lire tous ces bons mots. Nous avons pris le temps de répondre à chacun. »
Emmenant plus de 67 000 followers dans son sillon, Mickael Mawem est maintenant tourné vers 2020. Il pense néanmoins à son frère et aux autres membres de l’équipe de France susceptibles de le rejoindre dans l’aventure olympique. « J’attends avec impatience le Tournoi de qualification olympique de Toulouse, fin novembre, pour encourager mon frère et les autres Français. Il reste trois places pour le clan français, il faut qu’ils aillent les chercher. Aujourd’hui, je suis focalisé sur ma planification. Les JO sont dans un an et j’ai encore beaucoup de choses à régler. »
Sacré champion d’Europe de bloc, 15 jours après sa qualification aux Jeux olympiques, Mickael Mawem n’avait peut-être besoin que d’un déclic pour se révéler.
Crédits photos : Fred Ripert/FFME, Christophe Angot/FFME, Eddie Fowke/IFSC, Liu Forest/IFSC, ANOC World Beach Games Qatar 2019.
.