En un mois, le leader de l’équipe de France de difficulté a pris un titre de champion d’Europe et deux victoires en Coupe du monde. En juillet, Romain Desgranges était sur un nuage ! Retour sur son début de saison (presque) parfait !
Le Faux Départ
En 2017, avant de se parer d’or, Romain Desgranges a trébuché. Un faux pas - au Championnat de France de difficulté de Valence - sur lequel le Chamoniard a su mettre des mots. Car le contexte était singulier : le quadruple champion de France a passé une bonne partie de sa préparation en compagnie de Manu Romain. Les meilleurs coéquipiers à l’entraînement. Les meilleurs ennemis sur le mur de compétition. Deux imbéciles de compétiteurs finalement, comme ils aiment à le rappeler.
Tout compte fait, quel impact ce partnership a-t-il eu sur ta préparation et ta première compétition de la saison Romain ?
Un faux pas, duquel Romain Desgranges a su tirer des enseignements. Il n’était pas au meilleur de sa forme. Certes. Son entraîneur, Fabrice Judenne, ne mâchait pas ses mots en début de saison : il ne voyait pas son poulain se qualifier - en l’état - pour une finale internationale.
Ce que le champion français retient de cette « contre-performance » au championnat national (rappelons tout de même qu’il prend la médaille de bronze à Valence) ? La pression fut trop dure à gérer.
Le Retour en Grâce
Il a fallu mettre les choses à plat. Retourner à l’entraînement. Pour remettre une couche avant le début de la saison internationale ? Surtout pour « me défouler après la contre-performance de Valence ». Se rassurer finalement, repartir du bon pied, concède le champion. Quelque chose s’est terminé. Quelque chose de nouveau doit commencer.
Car au calendrier de la difficulté, un championnat succédait à un autre. Les Europe aux France. Nouveau contexte, et autres enjeux, plus importants encore cette fois. Romain Desgranges n’est pas parti à Campitello di Fassa, en Italie, la fleur au fusil. « Je ne me sentais pas très en forme, loin de ces « super-pouvoirs » dont on profite en général en début de saison, lorsqu’on se sent fort et indéboulonnable sur le mur », explique le Chamoniard.
Romain Desgranges a grimpé « au métier » au Championnat d’Europe. Un tour après l’autre, d’abord pour entrer en demi-finale, pour prendre une place entre le 26e et le 1er rang. Et enfin pour s’assurer la meilleure place possible entre la 8e et la 1ère. Voilà comment un grimpeur, fort de 14 années d’expérience au plus haut niveau, fonctionne pour gérer une grande compétition.
Pour le reste, un style d’ouverture plutôt proche de sa zone de confort en finale, des concurrents qui chutent prématurément, et… un 2e titre de champion d’Europe, après celui glané en 2013 !
Incroyable… Et alors, ça procure toujours autant d’émotions de gagner une 2e fois le titre continental ?
Finalement non… Après un échec sur sa première compétition de l’année, Romain Desgranges entame en or sa saison internationale.
La Confirmation
Romain Desgranges prend, à la première étape de la Coupe du monde de Villars, le 9 juillet dernier, une nouvelle médaille d’or internationale! « Enchainer une médaille d'or en Coupe du monde, seulement quelques jours après mon Championnat d'Europe victorieux, je n'osais même pas en rêver ! »
Et Romain de poursuivre : « J'avais retenu du Championnat d'Europe l'effort, et l'investissement dans les voies, pour aller chercher la meilleure prestation possible. J'ai essayé de remettre ça en place à Villars sans (trop) me soucier du résultat. Ce n'était pas évident dans ces voies avec une ouverture très typée "bloc", où la moindre erreur coûte très chère au classement », réagissait le grimpeur au pied du mur. Deux compétitions internationales, et deux victoires. La série était-elle lancée ?
Un mois de juillet (presque) parfait
Avec deux breloques dorées dans sa musette, on pourrait croire que Romain Desgranges arrivait confiant sur le Place du Mont-Blanc, pour la 2e étape chamoniarde de la Coupe du monde, les 12 et 13 juillet derniers. Détrompez-vous. Le champion n’avait qu’un mot à la bouche : il est fatigué, hors de forme, et se demande bien comment il va pouvoir jouer la gagne une 3e fois en quelques jours. Une tirade qu’il sert comme une litanie, mais qui ne reflète pas moins la réalité de son niveau de forme.
Il passe néanmoins sans encombre les qualifications (deux tops). Pour le reste, place aux images.
Le Français avait vu juste. Il y a bien eu d’autres tops ce soir-là. Trois autres pour être précis. Malheureusement, le grimpeur prenait, la veille, le dernier ticket pour la finale : Romain Desgranges est monté au sommet du mur à Chamonix, mais est resté bloqué au pied du podium. « Sortir la voie de finale sur la Place du Mont-Blanc, j’en ai rêvé plus d'une fois. Mais, allez savoir pourquoi, dans mes rêves, la soirée se terminait mieux… », réagissait - un peu amer - le champion, au soir de ce podium manqué. « C’est frustrant, évidemment. J’ai l’impression de n’avoir pas vraiment eu la possibilité de me battre », regrettait le local de l’étape. Le voilà le « presque ».
Mais que le champion se rassure, il aura une autre occasion de briller sur son sol, quelques semaines plus tard. Le 28 juillet précisément, la Coupe du monde prenait ses quartiers à Briançon. Toujours fatigué et même diminué physiquement par une douleur à l’épaule et une blessure au doigt, le Français ne prend pas moins la tête des opérations dès les qualifications : il est le seul à sortir les deux voies.
A Briançon, Romain Desgranges ne lâchera jamais la tête du classement. Devant en demi-finale. Et le plus haut sur le mur à l’issue du dernier tour ! « Etrangement, je me suis senti bien en finale. Faut dire que la voie était plus proche de ma conception de l’escalade de difficulté, que ce que l’on rencontre régulièrement en Coupe du monde », confiait le champion. Et alors gagner en France, Romain, ça fait quoi ? « C’est délirant. Le public, toute l’équipe de France, et la Marseillaise… Que d’émotions ! ».
Un titre de champion d’Europe et deux victoires en Coupe du monde en un mois : Romain Desgranges est sur un nuage ce début de saison !
L’année de Romain Desgranges ?
Il y a un peu d’effet d’annonce dans cette formule. Mais il y a aussi du factuel : si cela fait bien 14 années que Romain Desgranges se bat sur les murs de Coupe du monde, il réussit sans aucun doute son meilleur début de saison. Les raisons ? Le champion a bien une petite idée sur le sujet…
Mais il n’y a certainement pas que ça : Romain Desgranges est tout simplement en progression constante depuis 14 ans, de sa première saison internationale senior en 2003, jusqu’à sa 14e, cette année. Une progression lente, mais sans faille, qui l’a amené de la 44e place en 2003, à la première place du classement provisoire en 2017.
*Classement provisoire après la 3e étape de la Coupe du monde 2017.
Et une solide première place ! Avec 255 points acquis en trois étapes, le Français devance de 92 unités son premier poursuivant au classement, Marcello Bombardi (ITA), vainqueur à Chamonix mais seulement 18e à Villars. Derrière, c’est plus serré : l’Italien, le Japonais Korenaga et le Slovène Skofic se tiennent en moins de 20 points (163 / 148 / 142 points).
Ne nous emballons pas : la route est encore longue. Il ne reste pas moins de cinq étapes avant la fin de la saison. Mais le Français a déjà une solide avance. En guise de comparaison, il a fallu 472 points à Domen Skofic pour s’imposer au classement général de la Coupe du monde de difficulté 2016. 458 points pour Adam Ondra (CZE) en 2015. Mathématiquement, le Français a déjà réalisé la moitié du chemin vers l’or de fin de saison… En seulement trois étapes. Il lui reste cinq compétitions pour faire l’autre moitié.
Alors, 2017 sera-t-elle l’année de Romain Desgranges ? Réponse (au plus tard) le 12 novembre prochain, à l’issue de la dernière étape de la Coupe du monde de Kranj (SLO). En attendant, la Marseillaise a déjà retenti trois fois sur le circuit international d’escalade ! Et ça, personne ne lui enlèvera !
Crédits photos : Rémi Fabregue/FFME - Graphismes : Lucas Boirat