Une hégémonie des Françaises en ski-alpinisme ? Les deux premières places du classement mondial sont solidement occupées par Laetitia Roux et Axelle Mollaret, quand chacune des quatre membres de l’équipe de France senior sont devenues en 2017, championnes du monde d'une des disciplines du ski-alpinisme. Retour sur une saison en or pour les skieuses-alpinistes françaises.
Il plane comme un doux parfum de victoire sur le ski-alpinisme français. Un constat qui n’est pas nouveau, mais qui s’est souvent accordé au pluriel par le passé, avec des titres aussi bien chez les hommes, que chez les femmes. Cette dernière saison, la donne est différente : ces victoires ont essentiellement pris la marque du féminin.
Le règne de Laetitia Roux n’est pas terminé. La Française a – pour la 6e fois consécutive – écrasé le circuit international de ski-alpinisme, performance la propulsant comme l’une des sportives les plus titrées, tous sports confondus.
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« Victoire après victoire, week-end après week-end depuis près d'une décennie, Laetitia Roux a banalisé l'exceptionnel. Mais ne nous y trompons pas, chacune de ses médailles, chacun de ses titres, est une performance hors du commun. Quelle grande championne ! »
Damien You,
directeur-adjoint de la FFME en charge des équipes de France
En 2017, pour Laetitia Roux, c’est huit départs en Coupe du monde… et huit médailles d’or à la clé. C’est deux départs aux Championnats du monde… et deux médailles d’or à la clé.
La copie parfaite pour la Française ? Presque ! Car il manque une ligne à ce palmarès doré, celle du circuit national. Et dans la série des Championnats de France 2017, Laetitia Roux a commencé par une 2e place. La seule de sa saison.
Sur la vertical race de Tignes, Axelle Mollaret a – pour la première fois – ravi un titre à sa plus grande rivale. Sur la course des gros moteurs, la première dauphine a surpassé la reine du bal. « Des sensations mitigées pour ce premier jour de course, mais je remporte tout de même l’argent, derrière une Axelle Mollaret qui fait une très belle course. Bravo à elle », déclarait – belle joueuse – la championne à l’issue de la course.
Un affront qui ne s’est plus reproduit cette saison. Laetitia Roux a remporté les deux autres championnats de France auxquels elle a participé, en individuel et en sprint, portant à dix le nombre de titres glanés sur cette première épreuve, et à quatre sur la seconde.
Et elle n’a pas participé à une autre course verticale cette saison. « L'envie n'est pas là pour cette discipline exclusivement sur piste et en montée. J'ai senti dès le début de saison que je laisserais mentalement trop d'énergie sur les vertical race, et que mon enthousiasme et ma motivation en seraient pénalisés. Je préfère préserver cette flamme qui m'anime, en me concentrant sur les autres disciplines : l’individuel, les courses par équipes et le sprint », assumait la skieuse-alpiniste.
Un parti-pris gagnant, à la lumière de sa fiche de résultats immaculée cette saison. La recette d’une telle moisson de médailles depuis plus d’une décennie ? La quête de la perfection dans tous les aspects de son sport.
Transfuge du ski alpin, Laetitia Roux ne se contente pas d’être la meilleure descendeuse du circuit, atout qui fait pourtant souvent la différence sur les tracés de coupe du monde. Elle ajoute à ce facteur décisif, une science de la course à nul autre pareil, et un perfectionnisme sans faille dans les manip’ et la gestion du matériel (à un impaire près en 2016 : Laetitia s’est présentée avec un ski trop léger à l’arrivée d’une Coupe du monde).
Autrement dit, il n’y a pas une facette de son sport qu’elle ne maîtrise pas sur le bout des doigts. Et si elle n’a plus aujourd’hui le plus gros moteur du circuit (elle a tout de même remporté trois fois le titre mondial de la vertical race par le passé), ses qualités dans le dénivelé positif lui suffisent amplement pour ne pas souffrir des assauts de ses premières poursuivantes, comme en témoigne ses nombreux écarts entamés dès la première bosse, pour être ensuite creusés dans les descentes.
Une vraie sportive professionnelle. De la gestion de son matériel et de ses sponsors, à celle de sa communauté, Laetitia Roux parfait ses qualités sportives, d’une rigueur et d’un professionnalisme, dignes des plus grands ambassadeurs du sport français.
Et encore une fois, voilà une caractéristique qui la distingue de bien de ses concurrentes : la Française a la chance de pouvoir se dédier entièrement à son entraînement (près de 200 000m de D+ chaque année). Membre de l’Armée de Champions, elle est détachée par son employeur – l’Armée de Terre – à la poursuite de sa carrière de sportive de haut niveau. Autant d’atouts qui en font la plus significative ambassadrice de son sport, et sans doute, la plus grande championne que le ski-alpinisme ait connue.
Et le futur alors ? Laetitia Roux affirmait déjà la saison passée, que les seuls résultats ne lui suffisaient plus à se motiver à affronter les impondérables de la vie de sportive de haut niveau. Elle s’est notamment investie cette année plus sérieusement dans sa communication, dans sa relation avec ses partenaires. Pour ne plus se focaliser que sur le volet sportif de sa carrière.
Combien de temps va-t-elle rester la patronne incontestée du circuit ? La question commence tout doucement à traverser les esprits. 2017 a tranché : ce n’est pas pour tout de suite.
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« 2017 fut riche en émotions, en joie, en partage, en épanouissement. Mais malgré tout, c'est toujours une sensation de délivrance et d'apaisement lorsque ça s'arrête, lorsque je réalise que j'ai réussi à réitérer pour la 6e fois consécutive le challenge de maîtriser au mieux ma discipline ! »
Laetitia Roux
À l’issue de la dernière étape de la Coupe du monde 2017
Pour Laetitia Roux, les premiers signes de faiblesse ne semblent encore que de lointaines chimères. Longue vie à la reine !
La première dauphine a pour la première fois dépassé la reine cette saison. Nous l’avons dit. Sur leur première confrontation aux Championnats de France de vertical race, à Tignes, le 19 décembre dernier.
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« L'année dernière, j'avais gagné en l'absence de Laetitia, qui était blessée. C'est évident que ce n'était pas la même victoire aujourd’hui. Cela fait quelques années que je m'entraîne avec cet objectif : il faudra un jour passer devant. Aujourd'hui, il y a peut-être eu un déclic. C'est extraordinaire ! »
Axelle Mollaret
À l’arrivée du Championnat de France de vertical race 2017
Etait-ce la fin de l’hégémonie de la championne de Réallon ? Non. Axelle Mollaret n’a pas réussi à battre sa compatriote sur une course individuelle ou sur une course par équipes en 2017. Et les écarts sont restés globalement significatifs sur les lignes d’arrivée.
Etait-ce sinon la saison de l’affirmation du plein potentiel d’Axelle Mollaret ? C’est en tout cas, l’année où elle a pour la première fois franchi ce cap si difficile à passer, de la médaille, au plus beau des métaux. Car Axelle Mollaret est, elle-aussi, une grande championne. Une championne qui ne s’entraîne pas à plein temps (elle exerce le métier de kinésithérapeute), qui remporte des médailles sans avoir l’air d’y toucher, et qui vit avec une malédiction : celle de concourir à la même époque que Laetitia Roux.
L’Arêchoise d’adoption – elle a quitté Grenoble pour rejoindre son compagnon, le skieur-alpiniste français Xavier Gachet, à Arêches-Beaufort – souffre-t-elle du syndrome de l’éternelle seconde ? Certains de ses mots choisis, sur la ligne d’arrivée de Tignes en décembre, peuvent le laisser penser.
Ce déclic a-t-il eu lieu, comme elle le présageait au début de la saison ? Axelle n’a pas réitéré l’exploit de battre Laetitia. Mais quelques mois plus tard, pour la première fois, elle a remporté une étape de la Coupe du monde de vertical race.
« Voilà 5 ans que je tourne sur le circuit de coupe du monde. Progressant régulièrement, j'ai grappillé des places, petit à petit, pour me rapprocher des premières. Je suis montée sur de nombreux podiums ces trois dernières années, mais encore aucune médaille d'or. Jusqu'à ce matin », savourait la championne à l’issue de sa victoire sur la vertical race de Val d’Aran (ESP), le 9 avril dernier.
Un déclic a bien eu lieu : remporter une étape de Coupe du monde face à l’élite du ski-alpinisme mondial – même en l’absence de Laetitia Roux – n’est pas une mince affaire. 2018 sera-t-elle l’année où la première dauphine ira disputer la gagne à la reine du bal ?
Lorna Bonnel et Valentine Fabre : les coéquipières en or
Si Laetitia Roux et Axelle Mollaret sont les deux meneuses incontestées de l’équipe de France, elles ne sont pas les seules à porter la combinaison tricolore chez les femmes. Lorna Bonnel et Valentine Fabre signent régulièrement des tops 10 en Coupe du monde. Des performances notables dans les classements individuels, qui deviennent extraordinaires, lorsqu’elles sont associées aux deux meneuses du groupe France.
Ainsi, Lorna Bonnel créait l’exploit le 26 février dernier, en devenant championne du monde de la course par équipes avec Axelle Mollaret. La sensation de la saison pour le groupe France ? Peut-être bien… Souvenez-vous, cela s’est passé sur les sommets ensoleillés de Tambre d’Alpago (ITA).
Les deux Françaises ne partaient pas favorites. « C'est vrai que je ne pensais pas que nous serions en mesure de jouer la gagne », assumait alors Axelle Mollaret. Elle prenait pourtant les choses en main dès le départ, dès les premières conversions, plaçant son équipée dans les skis des favorites suisses, Maude Mathys et Jennifer Fiechter.
Rapidement, les Suisses montraient des signes de faiblesse et la tête de course se redessinait. Françaises, Italiennes (Martina Valmassoi et Alba De Silvestra) et Espagnoles (Claudia Galicia Cotrina et Mireia Miró Varela) se disputaient la tête de course jusqu'au sommet de la première bosse. C'est là que ces dernières creusaient un petit écart. La descente chaotique aura raison des Italiennes : l'or se disputera entre l'Espagne – maintenant quelques dizaines de seconde devant – et la France.
C'était dans la deuxième montée que les Françaises produisirent leur effort : Axelle Mollaret augmentait le rythme et embarquait – littéralement – Lorna Bonnel dans ses skis. Les deux jeunes femmes étaient maintenant reliées par un élastique.
« Elle m'a un peu tirée, moi je faisais le maximum pour suivre le rythme, mais ce n'était pas évident... », expliquait – d’une sincérité touchante – Lorna Bonnel. Il faut dire qu’Axelle Mollaret avait les Espagnoles en ligne de mire. Claudia Galicia Cotrina et Mireia Miró Varela ne résistèrent pas au retour des Françaises : Axelle Mollaret et Lorna Bonnel s'en sont aller chercher l'or par équipes ! Un exploit, et une première médaille internationale pour Lorna Bonnel !
Le résultat du relai était plus attendu que la performance sur la course par équipes. Laetitia Roux, Axelle Mollaret et Valentine Fabre ont constitué le trio français sur cette ultime course des Championnats du monde 2017. Souvenez-vous, cela s’est passé le 2 mars dernier à Piancavallo (ITA).
Valentine Fabre ouvrait les hostilités pour l’équipe de France. À la lutte avec Séverine Pont Combe une bonne partie du parcours, la Chamoniarde finissait par prendre le dessus sur la Suissesse et passait le témoin à Axelle Mollaret en pôle-position. L’Arêchoise partait en tête, Claudia Galicia Cotrina à ses trousses. Si l’Espagnole faisait l’effort de revenir, la Française profitait d’une erreur de sa concurrente ibérique, en fin de parcours, pour lancer Laetitia Roux de la meilleure des manières : seule en tête. La suite n’était alors qu’une formalité pour la leader du circuit : Laetitia Roux gérait parfaitement sa boucle et emmenait les Françaises vers un nouveau titre mondial.
Et nous permettait, par la même occasion, la meilleure des conclusions possible : les quatre femmes de l’équipe de France senior de ski-alpinisme sont toutes devenues championnes du monde en 2017. Des Françaises en or, on ne vous a pas menti !
Crédits photos : Ariño Visuals, ISMF