Une grande compétition n’est-elle pas une somme de moments clés, qui - mis bout à bout - tissent son histoire et font sa légende ? Voici quelques empreintes de ce Championnat de France de difficulté 2017. Des morceaux de vie, des instants sur le mur et des images clés de la compétition. Embarquez au cœur de l’action du plus grand rendez-vous national de la discipline.
Une drôle d’ambiance dans les salles d’isolement des grands championnats. Entre rivalité et camaraderie, les regards se croisent, quelques mots sont échangés. Mais, qu’ils soient coéquipiers en bleu ou amis sur les murs et les falaises, ces instants déterminants de leur vie de compétiteurs se jouent dans l’introspection.
Ce jeté aura rendu nerveuse une bonne partie des finalistes féminines. Un mouvement qui n’avait rien de très compliqué. Mais qui demandait un niveau d’engagement maximum. Au final, à l’instar de Salomé Romain ici à l’image, plus de peur que de mal : seule Kenza Slamti a raté le bac. Pour les sept autres, le show fut au rendez-vous !
La tension est palpable. L’entrée dans sa voie est pourtant à l’image de ses prestations du week-end. Propre, solide, sans fausse note. Julia Chanourdie était la favorite cet après-midi-là à Valence. Mike Fuselier, son entraîneur en équipe de France, n’a pas hésité à l’affirmer : elle a une marge par rapport à ses premières concurrentes.
Pourtant… Il y a eu ce passage compliqué pour basculer sur la dernière planche du tracé. Il y a eu des hésitations. De l’énergie gaspillée. Julia Chanourdie a levé les yeux au ciel. Qu’il est haut ce mur vers le titre national ! Qu’ils paraissent insurmontables ces derniers mouvements pour parvenir à conjurer le sort. Fatalement, cette année encore, l’or sera trop haut à aller chercher pour la championne. Elle devra se « contenter » - pour la troisième fois d’affilée - de la médaille d’argent.
Trop de pression ? Sa réaction de détresse de retour au sol nous apporte quelques éléments de réponse. Les plus grands champions ont eu leur Everest inatteignable : Julia Chanourdie a un an pour trouver le moyen de surmonter le sien. Pour prendre enfin ce titre qui lui tend les bras.
L’exploit de Nolwenn Arc. Elle n’était pas la grande favorite du jour. Mais bien des observateurs avaient cette cadette prometteuse dans leur viseur. Et ils ont vu juste : grâce à sa résistance et à sa détermination, la jeune fille est parvenue à poser trois mouvements de plus que les deux autres médaillées du jour, Julia Chanourdie et Mathilde Becerra. Et à devenir, à 17 ans seulement, championne de France de difficulté.
Ils s’appellent Charli Blein, Anatole Bosio, Nao Monchois, Sam Avezou, Tanguy Topin. Ils étaient les outsiders de cette finale 2017. Certains parce qu’ils sont encore dans les premières années de leur carrière. D’autres parce qu’ils sont des habitués des finales des grands rendez-vous nationaux, sans avoir eu la possibilité de percer au niveau international. Un statut qui n’est pas une fatalité : la performance remarquable de Tanguy Topin ce jour-là en est la preuve formelle.
Tanguy Topin ne comptait pas parmi les favoris. On l’a dit. Le jeune homme en était conscient et participer à la grande finale du jour était déjà - pour lui - un aboutissement.
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« Franchement, je voulais juste me faire plaisir, dans cette voie qui était faite pour moi. Mais c’est vrai que sur une finale avec autant de mouvements engagés, tout peut arriver. Je n’y suis pas allé pour faire de la figuration ».
Tanguy Topin,
vice-champion de France 2017
Le festival Tanguy Topin ! Serein dans les mouvements engagés de la traversée. Spectaculaire entre les volumes. Et impressionnant de combativité dans la fin de son exercice. « Devenir vice-champion de France est un rêve qui se réalise. Je suis sur un nuage », réagissait le grimpeur, tout sourire.
Chaque finale avait son jeune prodige. Chez les hommes, ce sont les traits ingénus de Sam Avezou, qui dénotaient dans cet alignement de visages anguleux, lors de la présentation des finalistes. De sa génération, le jeune homme est certainement le meilleur au monde.
Il se fera pourtant piéger par un mouvement, dont l’intensité n’a rien en commun avec ce qu’il a l’habitude de rencontrer sur les murs du circuit international jeunes. Un petit signe d’agacement, mais très vite un sourire. Ne vous fiez pas à son apparente ingénuité, Sam Avezou sait qu’une 7e place - à son âge, aux France de difficulté - n’est en rien déterminante. Le jeune homme voit plus loin. Il pense déjà Jeux Olympiques. Et nous, on n’a pas fini de te voir sourire Sam !
Deux potes, deux « imbéciles » de compétiteurs, qui se sont préparés ensemble pour lutter une nouvelle fois sur le mur d’un grand rendez-vous. Entre eux, de la rivalité bien sûr, mais pas d’amertume. Lorsque Romain tombait prématurément dans sa voie de finale, Manu esquissa une moue de déception. Il venait pourtant d’être sacré champion de France 2017. Mais sa première pensée fut pour son pote « Momo », qui ne le sera pas une 5e fois.
Le retour en grâce d’un champion. Il était assurément le plus serein au pied de la voie. Il faut dire que Manu Romain n’a plus grand chose à se prouver. S’il était là ce dimanche après-midi, c’est simplement que la compétition lui manquait. Ce qui lui a permis de faire la différence ? Sa décontraction, son expérience des grands rendez-vous et sa légendaire résistance. Manu Romain prend un nouveau titre national. Mais cela n’ira pas plus loin : le champion retourne à sa nouvelle vie. Laissant derrière lui une belle histoire de retour en grâce.
Et tous les regards se braquèrent sur le mur. Nous avions été les témoins de l’audace payante d’un outsider. Nous avions été émus par le retour gagnant d’un grand champion. Mais ces belles histoires auraient pu passer quasi-inaperçues. Il suffisait pour cela que le quadruple champion de France Romain Desgranges mettent - une fois de plus - tout le monde d’accord. Mais le Chamoniard ne montera pas plus haut que l’ancien champion. Il chutera avant l’audacieux. Il grimpait pour ne pas perdre. Pas pour gagner, concédait-il de retour au sol. Manu Romain et Tanguy Topin furent bien les grands vainqueurs du jour.
Crédits photos : Rémi Fabregue / FFME - Graphisme : Lucas Boirat